La méthode imbattable contre la procrastination : marcher
La procrastination — la tendance à remettre systématiquement des actions au lendemain — est un phénomène très courant et de plus en plus étudié.
Joseph Ferrari, professeur de psychologie à l’Université DePaul de Chicago, a par exemple constaté qu’environ 20 % des adultes sont des procrastinateurs chroniques.
Comme il l’explique dans un livre dédié au sujet, la procrastination a un taux qui est « plus élevé que la dépression, la phobie, les crises de panique et l’alcoolisme ».[1]
À ne pas confondre avec la paresse, la procrastination est décrite par Fuschia Sirois, professeur de psychologie à l’Université de Sheffield, comme « le retard volontaire et inutile d’une tâche importante, bien que vous sachiez que la situation sera pire de ce fait. »[2]
D’après elle, la source de la procrastination c’est l’autorégulation émotionnelle et, en particulier, notre incapacité à gérer les humeurs négatives autour d’une certaine tâche.
Nous ne procrastinons généralement pas sur des choses amusantes, mais plutôt sur les tâches que nous trouvons difficiles, désagréables, ou tout simplement ennuyeuses ou stressantes.
Il est souvent plus facile d’éviter de telles tâches que de les accomplir. Une faible estime de soi amplifie aussi généralement ce problème.
En résumé, la procrastination est principalement un rejet (conscient ou non) de l’état de concentration.
Si la procrastination vous empêche d’accomplir vos objectifs, n’ayez crainte, car notre corps détient un mécanisme permettant de retrouver la concentration.
Pour en bénéficier, il suffit de marcher !
Les effets bénéfiques de la marche
Lorsque l’on marche, notre cœur se met à battre plus vite, faisant ainsi circuler plus de sang et d’oxygène vers notre cerveau.
Plusieurs études ont démontré qu’après un exercice physique, même de faible ampleur, notre mémoire et notre attention augmentent.
Plusieurs études ont démontré qu’après un exercice physique, même de faible ampleur, notre mémoire[3] et notre attention augmentent.[4]
Marcher régulièrement favorise également la formation de nouvelles connexions entre les neurones[5], réduit le flétrissement des tissus cérébraux[6] et augmente le volume de l’hippocampe[7], une région cérébrale cruciale pour la mémoire.
Une étude menée par deux chercheurs de l’Université de Stanford a aussi montré un lien entre marche et pensée créative.[8]
Dans une série de quatre expériences, les chercheurs ont demandé à cent soixante-seize étudiants de compléter différents tests cognitifs en s’asseyant, en marchant sur un tapis roulant ou en marchant librement sur le campus de l’université.
Dans un des tests, les bénévoles ont par exemple dû proposer des utilisations atypiques pour les objets de tous les jours, comme un bouton ou un pneu.
En moyenne, les étudiants ayant marché ont généré quatre à six idées de plus que ceux qui étaient assis.
De plus, après avoir marché, les participants ont présenté un renforcement créatif résiduel lorsqu’ils se sont assis.
Sur les trois méthodes testées, c’est la marche en extérieur qui a produit les meilleurs résultats.
Le lien entre marche et augmentation des capacités cérébrales semble donc bien réel, mais comment mettre cela en pratique ?
Comment recâbler votre cerveau pour combattre la procrastination ?
La procrastination survient lorsque nous faisons face à l’inconnu.
Un projet qui parait à première vue insurmontable — comme rédiger un long rapport — provoque un mécanisme de défense.
Notre cerveau, qui est avant tout un système de survie, préfère toujours économiser notre énergie cognitive.
C’est pour cela que nous avons naturellement une inclination pour des tâches simples comme vérifier nos emails ou parcourir les réseaux sociaux.
Ce comportement s’autosupporte par le fait que ces sources de distractions soient aussi génératrices de dopamine, le neurotransmetteur qui stimule notre sentiment de récompense.
C’est un cercle vicieux directement programmé à la base de notre cerveau !
Lorsque je fais face à une tâche difficile et que la tentation des distractions s’installe, j’utilise les étapes ci-dessous pour court-circuiter le cercle vicieux :
1. Utilisez la marche comme un réflexe anti-procrastination
Dès les premiers signes de procrastination, sortez immédiatement prendre l’air, même s’il pleut !
Si vous faites face à une procrastination chronique, il faut rétablir les connexions de votre cerveau afin que le cycle de procrastination se dissocie des distractions.
Il est donc important dans les premières semaines de cette nouvelle habitude de réagir rapidement et d’établir de nouvelles bases pour votre concentration.
Il faut faire de la marche une réponse automatique aux distractions.
Lorsque j’ai commencé cette méthode, il était courant pour moi de devoir marcher plusieurs fois par jour afin que le sentiment de procrastination se dissocie de la distraction.
Au fur et à mesure, les pauses seront moins nécessaires et votre temps de concentration devrait augmenter considérablement.
2. Établir un parcours qui ne draine pas votre attention
Le lieu que l’on choisit pour marcher a aussi un impact sur le résultat créatif.
Dans une étude menée par Marc Berman à l’Université de Caroline du Sud, les étudiants qui se promenaient dans une forêt ont montré de meilleures performances de mémoire que les étudiants qui ont marché en pleine ville.[9]
Notre attention est une ressource limitée qui s’épuise continuellement tout au long de la journée.
Or, nos villes modernes sont souvent remplies de bruits et de signaux visuels demandant notre attention.
Le lieu que vous choisissez pour votre marche est donc important.
Pour maximiser ses effets, préférez donc un parcours favorisant les espaces verts.
3. Évitez la musique
On a souvent le réflexe d’écouter de la musique quand on marche, mais il s’avère que ses effets sont contre-productifs.
Il a été démontré que la musique, particulièrement si elle a un rythme élevé, nous incite à bouger plus rapidement.[10]
Mais l’effet recherché ici est avant tout de laisser notre esprit vagabonder et régler le rythme de notre marche.
Les chansons comportant des paroles ont aussi l’effet d’accaparer notre attention au détriment de la réflexion que nous devons avoir.
Évitez donc les écouteurs et laissez vous porter par les sons de la nature !
4. Préparez-vous à la tâche
N’oublions pas que cette marche à un but : nous délivrer de la procrastination.
L’effet désiré est donc qu’une fois la marche terminée, nous soyons prêts à travailler.
Pour cela, il faut s’y préparer.
J’essaie de décomposer mes marches en trois étapes mentales.
Je commence par errer sans but pendant quelques minutes afin que mon esprit se débloque.
Cette étape est importante puisque comme on l’a vu, la procrastination est avant tout un problème d’humeur. Il est donc important de se sentir décontracter.
Lorsque c’est le cas, je fixe mon attention sur la tâche que je souhaite accomplir.
J’essaie de décomposer le problème. S’il s’agit d’un gros projet, je me concentre par exemple sur la première étape possible.
Le but ici est de répondre à la question suivante : quelle est la tache la plus simple que je puisse faire pour commencer ?
Pour l’écriture d’un rapport, il peut s’agir par exemple d’établir un plan des chapitres.
Enfin, à l’approche de la fin de mon parcours, je me visualise en train de revenir à mon bureau et travailler sur la tache.
Il est primordial que lorsque la marche s’achève, vous vous mettiez immédiatement au travail.
Pas de pause, pas de distraction (évitez à tout prix votre téléphone !).
La seule chose qui compte, c’est de commencer.
Cette visualisation permet d’anticiper ce moment et d’enlever tout le doute qui pourrait encore subsister.
5. Établir une routine
La marche fait désormais partie de ma routine de travail.
Grâce à cette méthode, j’ai pu progressivement augmenter ma période de concentration au point qu’il en devient facile de me concentrer plusieurs heures sans distractions.
Pour maintenir cette concentration, je définis aussi des pauses régulières pendant la journée pour marcher.
Contrairement aux marches servant volontairement à débloquer un problème, celles-ci n’ont pas de but précis.
C’est souvent lors de ces marches préprogrammées que de nouvelles idées émergent.
Les effets de la marche à pied s’accumulent au long terme et lorsqu’elle devient une partie de votre routine, vous ne pourrez plus vous en passer.
Débloquer votre créativité
Quand on y pense, le lien entre marche et créativité semble évident.
Lorsque l’on marche, notre cerveau doit étudier notre environnement, construire une carte mentale des alentours, choisir une voie à suivre et traduire ce plan en une série de pas.
De la même manière, un exercice créatif force notre cerveau à collecter les éléments de notre mémoire, cartographier ceux qui seront mis à contribution, les connecter puis déplacer nos doigts sur le clavier.
La marche n’est qu’une continuation de l’exercice créatif.
Comme le disait Nietzsche :
« Seules les pensées qu’on a en marchant valent quelque chose ».
Maintenant à votre tour, allez prendre l’air et dites adieu à la procrastination.
Sources:
1. Ferrari, J. (2010) Still Procrastinating?: The No Regrets Guide to Getting It Done. John Wiley & Sons, Inc.
2. Citation originale: “The voluntary, unnecessary delay of an important task, despite knowing you’ll be worse off for doing so."
Sirois, F., (2013). « Procrastination and the Priority of Short-Term Mood Regulation: Consequences for Future Self. » Social and Personality Psychology Compass, 7(2), 115- 127. doi:10.1111/spc3.12011
3. Nagamatsu LS, « T. Physical activity improves verbal and spatial memory in older adults with probable mild cognitive impairment: a 6-month randomized controlled trial. » J Aging Res. 2013;2013:861893. doi: 10.1155/2013/861893
4. Michele T. Tine (2012) « Acute aerobic exercise impacts selective attention: an exceptional boost in lower-income children » Educational Psychology 32:7, 821-834, DOI: 10.1080/01443410.2012.723612
5. Voss MW. « Plasticity of brain networks in a randomized intervention trial of exercise training in older adults ». Front Aging Neurosci. 2010 Aug 26;2:32. doi: 10.3389/fnagi.2010.00032
6. K.I. Erickson. « Physical activity predicts gray matter volume in late adulthood » Neurology 2010 Oct 19; 75(16): 1415–1422.
doi: 10.1212/WNL.0b013e3181f88359
7. Kirk I. Erickson. « Exercise training increases size of hippocampus and improves memory ». PNAS January 31, 2011 108 (7) 3017-3022
http://doi.org/10.1073/pnas.1015950108
8. Marily Oppezzo. « Give Your Ideas Some Legs: The Positive Effect of Walking on Creative Thinking » Journal of Experimental Psychology: Learning, Memory, and Cognition 2014, Vol. 40, No. 4, 1142–1152 http://dx.doi.org/10.1037/a0036577
9. Berman MG. « The Cognitive Benefits of Interacting With Nature. » Psychological Science. 2008;19(12):1207-1212. doi:10.1111/j.1467-9280.2008.02225.x
10. Karageorghis CI. « Music in the exercise domain: a review and synthesis (Part II) ». Int Rev Sport Exerc Psychol. 2012 Mar;5(1):67-84. doi: 10.1080/1750984X.2011.631027.