Effet Zeigarnik : Comment les tâches inachevées gâchent vos soirées

Effet Zeigarnik : Comment les tâches inachevées gâchent vos soirées
Photo : NoWah Bartscher / Unsplash

Imaginez la situation :

Vous rentrez chez vous après une longue journée de travail, mais votre esprit est encore rempli des tâches inachevées qui vous attendent le lendemain.

Vous essayez de vous détendre, mais ces pensées ne vous lâchent pas.

Plutôt que de vous aider à recharger vos batteries pour une nouvelle journée, votre esprit tourne en boucle et gâche votre soirée !

Si vous avez déjà vécu cette situation, vous avez fait l’expérience de l’effet Zeigarnik.

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Effet Zeigarnik : la tendance à mieux se souvenir d’une tâche qui aurait été interrompue que d’une tâche accomplie.

Cette découverte, on la doit à la psychologue russe Bluma Zeigarnik, qui a donné son nom à ce phénomène.

Elle eut l’idée de cette théorie en observant le comportement des serveurs d’un restaurant.

Lorsque l’addition n’avait pas encore été réglée, les serveurs se souvenaient toujours avec détails de toutes les commandes des clients.

Mais une fois le payement encaissé, ils oubliaient instantanément ce que le client avait commandé.

La jeune psychologue formula alors l’hypothèse qu’il est plus simple de se souvenir des détails d’une tâche incomplète que d’une tâche achevée.

L’expérience de 1927

Pour vérifier son intuition, Bluma Zeigarnik mit en place une expérience dont le résultat fut publié en 1927.[1]

Dans cette étude, elle demanda aux participants de résoudre des problèmes cognitifs tels que des puzzles et des casse-têtes.

Elle interrompit la moitié du groupe en plein milieu de leur réflexion et laissa les autres compléter leurs exercices.

Elle posa ensuite une série de questions aux participants des deux sous-groupes afin de mesurer les détails dont ils pouvaient se souvenir.

Le résultat fut surprenant : le sous-groupe ayant été interrompu se souvenait de 90 % plus de détails que ceux ayant achevé les tests, prouvant ainsi la théorie de Zeigarnik sur la mémorisation des tâches interrompues.

Bien que l’effet Zeigarnik ait été critiqué par d’autres chercheurs n’ayant pu reproduire les mêmes résultats, on peut tout de même reconnaitre ses effets dans la vie de tous les jours.

N’avez-vous jamais eu l’impression d’oublier tout ce que vous aviez appris après avoir passé un examen ?

L’effet Zeigarnik est en cause.

L’effet Zeigarnik peut être bénéfique, puisque comme l’a démontré Bluma Zeigarnik dans une autre étude, il peut être utilisé au profit des étudiants afin de mieux retenir ce qu’ils ont appris (en introduisant des interruptions volontaires).

Cependant, on a plutôt coutume de subir ses effets négatifs, et en particulier au travail.

L’influence de l’effet Zeigarnik sur notre équilibre vie privée — vie professionnelle

Notre cerveau est une machine à résoudre les problèmes.

Lorsqu’on laisse une tâche incomplète ou que l’on est interrompu dans sa complétion, une tension cognitive se forme dans notre esprit.

Cette tension va aider notre cerveau à mémoriser les détails nécessaires pour résoudre la tâche plus tard.

Qu’on le veuille ou non, cette tâche va habiter une partie de notre subconscient, une partie du cerveau que l’on ne contrôle pas.

Et la plupart du temps, le subconscient est le plus actif lorsque l’on se détend, c’est-à-dire après le travail.

Le schéma classique va alors se mettre en place : on pense à cette tâche qui doit être complétée, ce qui va causer du stress et le besoin d’y remédier.

On se met à travailler en soirée bien que nos réserves d’énergies soient au plus basses, mais cela ne fonctionne pas puisque sans énergie, on ne produit pas vraiment un travail de qualité.

On va alors essayer de se déculpabiliser avec des tâches à faible valeur, comme lire nos emails.

De nouveaux problèmes émergent, ce qui augmente notre stress et gâche le temps qui aurait dû être réservé au repos.

La journée suivante commencera mal puisque l’on n’est pas complètement reposé.

Finalement, la tache est restée incomplète et a même gâché notre soirée !

Pourtant, ce cercle vicieux peut être facilement évité et des chercheurs l’ont même prouvé.

La planification comme remède à l’effet Zeigarnik

Dans un article publié en 2011, les chercheurs Roy Baumeister et E. J. Masicampo s’intéressèrent à l’effet Zeigarnik.[2]

Ils commencèrent par répliquer l’expérience de 1927 en demandant à un groupe de compléter une liste de tâches.

Comme vous pouvez le deviner, ils interrompirent une partie des participants afin de générer l’effet Zeigarnik.

Ils découvrirent ensuite qu’il était possible de réduire cet effet en demandant aux personnes interrompues de préparer un plan d’action pour compléter les taches restantes.

Le simple fait de planifier les prochaines étapes permit aux participants de libérer plus d’espace cognitif pour se concentrer sur d’autres problèmes.

Les chercheurs observèrent aussi que pour ces personnes, le sentiment d’avoir atteint leur objectif augmenta.

Ce que cette expérience démontre est particulièrement intéressant pour ceux qui cherchent à se déconnecter pleinement de leur travail en fin de journée afin de récupérer de l’énergie mentale pour le lendemain.

Ce qu’elle suggère, c’est qu’il est possible de tromper notre cerveau en lui donnant un sentiment de complétion à travers la planification.

Pour bénéficier de cette méthode, je suggère d’établir un rituel quotidien ayant lieu à la fin de votre journée de travail.

Le rituel anti-effet Zeigarnik

Dans son livre Deep Work, l’auteur Cal Newport décrit une pratique quotidienne lui permettant de combattre efficacement l’effet Zeigarnik.

Cette méthode, il l’a nommée le « Shutdown Ritual » (routine de clôture).

Pour commencer, il vous faut établir une routine d’environ 15 minutes à la fin de votre journée.

Lors de ces 15 minutes, vous suivrez les 4 étapes suivantes :

  1. Passer en revue les tâches n’ayant pas pu être complétées aujourd’hui.
  2. Pour chacune des tâches, créer un plan d’action. Le plan n’a pas besoin d’être massivement détaillé, l’important c’est de définir les prochaines étapes à prendre pour chaque tâche.
  3. Capturer ce plan dans votre système d’organisation (votre « to-do list » par exemple).
  4. Prononcer la phrase rituelle : « Journée de travail complété avec succès ! ». Cette petite astuce peut paraitre un peu kitch, mais croyez-moi, elle libère réellement de la pression mentale que l’on peut ressentir en fin de journée et aide à se déconnecter complètement.

Une fois ce rituel terminé, ne passez plus une seule seconde sur des sujets liés au travail, il est maintenant temps de récupérer votre énergie mentale !

L’effet Zeigarnik est omniprésent dans nos vies et s’il n’est pas contrôlé, il peut nous mener au surmenage.

Comme une addiction aux taches complétées, cet effet nous empêche de vraiment nous reposer et de bénéficier de meilleures capacités mentales lors de notre temps de travail.

Pourtant, un simple rituel de 15 minutes peut nous libérer de cet effet et nous permettre de profiter pleinement de nos soirées.

Pour dire adieu à l’effet Zeigarnik, il suffit de planifier !


Sources:

1. Zeigarnik, Bluma. « On Finished and Unfinished Tasks », Psychologische Forschung. 1927.9

2. Masicampo EJ, Baumeister RF. « Consider it done! Plan making can eliminate the cognitive effects of unfulfilled goals ». J Pers Soc Psychol. 2011 Oct;101(4):667-83. doi: 10.1037/a0024192. PMID: 21688924.